L'hebdomadaire Herria (2009)

Peio Jorajuria (article publié en 2005 et mis à jour en 2009).

L'hebdomadaire basque Herria (« Pays » en basque) va célébrer en décembre 2009 ses 65 ans. Soixante cinq années d'existence (3000ème numéro en mars 2009) ! Énorme, pour un petit journal de langue basque, depuis toujours aux moyens financiers très limités, mais s'appuyant sur un réseau important de bénévoles et militants de la culture basque. Cest la plus ancienne publication de langue basque existant de nos jours dans tout le Pays basque, Nord et Sud.

Des débuts difficiles

Herria est né en automne 1944, prenant en quelque sorte le relais de l'hebdomadaire Eskualduna (« Le Basque »). Le journal Eskualduna, journal bilingue basque-français, fut créé en 1887 par Louis Etcheverry de Saint-Jean-le-Vieux. Avec ce journal, Louis Etcheverry, qui plus tard sera député conservateur, voulait en fait contrer Le Réveil Basque, journal créé un an auparavant par M. Berdoly député « rouge »
Quoi q'uil en soit, Eskualduna existera, avec des hauts et des bas, jusqu'en 1944. On y trouve des plumes célèbres : Manex Hiriart-Urruty, Adema Zalduby, Jules Moulié Oxobi, Jean Saint-Pierre et bien d'autres.
Cependant, en août 1944, Eskualduna, alors dirigé par Xalbat Arotçarena qui dès 1940 eut une position beaucoup trop pro-allemande, fut interdit par les comités de libération qui se mettaient en place. Et le Pays basque se retrouva sans hebdomadaire de langue basque.

Aussitôt des basquisants, Mgr Jean Saint-Pierre, Louis Dassance, Oxobi, Zerbitzari se réunirent pour créer un nouveau journal. Ce sera le journal Herria qui verra le jour en octobre 1944, sous l'impulsion du père Piarres Lafitte, premier directeur du journal. Le premier numéro date du 19 octobre 1944. Débuts laborieux car, aussitôt paru, le journal fut bloqué à la poste de Bayonne, faute dune soi-disant autorisation, parmi de nombreuses autres autorisations déjà obtenues. Il est vrai qu'une telle création avait de nombreux adversaires, et en premier lieu le préfet du département. Cependant, Piarres Lafitte, prêtre, résistant et académicien basque, obtint par son entêtement cette fameuse autorisation. Le second numéro de Herria put donc voir le jour le 16 novembre 1944, et les deux premiers numéros furent envoyés ensemble aux lecteurs.

L'acheminement du journal est une chose, le nombre de lecteurs en est une autre. Eskualduna, qui connut son apogée dans les années 1930 sous Domingo Soubelet avec plus de 8 000 abonnés, nen avait plus que 1 200 en 1944. Herria dut donc reconquérir un lectorat suffisamment important pour pouvoir exister. Ce ne fut pas simple : papier parfois introuvable, pas d'argent Heureusement, grâce à de généreux donateurs tel Telesforo de Monzon, ex-ministre du gouvernement basque et réfugié à Saint-Jean-de-Luz, et dont nous venons de fêter le centenaire de la naissance, Herria put suivre sa marche en avant, avec au bout de 10 ans plus de 7 000 abonnés.

Herria dès le début a été servi par des plumes célèbres : Piarres Lafitte, Jean Saint-Pierre, Jean Elissalde, Étienne Salaberry, Jean Pierre Iratchet, Piarres Larzabal Celui-ci, prêtre et auteur en particuliers de pièces de théâtre, était un fervent défenseur des Basques, créant notamment Anai-Artea (« Entre frères »), organisme d'accueil de réfugiés basques fuyant le franquisme. Déjà durant la guerre d'Algérie, il s'était
élevé, par ses nombreux articles, contre cette guerre et contre la torture ce qui valut au journal Herria procès et réprimandes.

Herria aujourdhui

De 1944 à nos jours, Herria a été dirigé par : Piarres Lafitte (1944-1967), Jean Hiriart-Urruty (1967-1969), Émile Larre (1969-2003), Jean Baptiste Dirassar (depuis avril 2003).
Édité par l'Association des éditions basques Herria, il est imprimé à Bayonne (Imprimerie du Labourd).
Il tire aujourd'hui à 3 000 exemplaires. La population bascophone diminuant hélas à grandes enjambées faute dune politique linguistique adaptée, il est difficile de maintenir un nombre important d'abonnés.

Par ailleurs, la concurrence est rude : radios d'expression basque, télévision basque, autres publications en langue basque, Internet, etc. et un goût de moins en moins grand pour la lecture ! Bref, maintenir ce seuil de 3 000 abonnés est une lutte de tous les instants, surtout quand on ne bénéficie quasiment pas d'aide financière des pouvoirs publics ou des collectivités locales. À peine une petite aide du Conseil général. Heureusement est allouée une plus grande subvention du ministère de la Culture de la Communauté autonome d'Euskadi.

Le journal Herria paraît le jeudi en format 41,7 x 27,7 de 8 pages. L'information couvre les divers secteurs de l'actualité : l'essentiel est consacré à la vie en Pays basque Nord (politique, culture, religion, économie, pelote) avec une locale de 2 pages (nouvelles des villages des provinces de Labourd, Basse-Navarre et Soule). On y trouve également des rubriques portant sur la vie en Pays basque Sud, l'actualité internationale, les programmes de télévision, un article de réflexion religieuse. Des suppléments de 4 pages sont épisodiquement publiés sur des thèmes divers : monographies de villes et villages du Pays basque, culture, économie. La présentation du journal a varié dans son format, mais les orientations de base sont toujours restées : utilisation de la langue basque (à l'exception des annonces légales) et fidélité aux principes de démocratie chrétienne.

Le conseil dadministration est actuellement composé de : Émile Larre, président d'honneur, Jean Baptiste Dirassar, président et directeur de publication, Jean Haritschelhar, directeur adjoint (et président de l'Académie basque), Peio Jorajuria, rédacteur en chef, Michel Oronos, Mattin Larzabal, Daniel Landart, Jean-Louis Harignordoquy et d'autres membres encore. En plus de ces collaborateurs réguliers, le journal compte environ 50 correspondants locaux. Le journal Herria est diffusé essentiellement en Pays basque Nord (2 500 envois) mais aussi en Pays basque Sud (180), en France (210) en Amérique (70), dans divers pays européens (15), en Afrique (15) et en Asie (10). Le prix de l'abonnement pour la France est de 45 euros (50 numéros dans l'année).